À tous les coudspains et coudspines présent.e.s : SALUT!
En cet avant-dernier post avant le much needed break de Noël, j’aimerais lancer une nouvelle série de l’Atelier Résistance : celle des histoires de résistance desquelles nous pouvons tous tirer de l’inspiration, des leçons et réflexions pour fortifier notre mouvement (je vous l’avais promis au tout premier post, je suis une femme de parole, vous savez!).
Des récits pareils, il y en a partout dans le monde et ils traversent les époques. J’avais fait une liste de mouvements de résistances historiques que je voulais vous partager (peut-être au cours d’un prochain blogpost), mais comme la vie est bien faite, elle m’a mise en contact avec celui du mouvement pour la démocratie au Myanmar qui brûle de milles feux et se déroule à l’instant même où vous lisez ces mots.
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi le Myanmar et ses difficultés ont toujours été comme une information un peu vague et floue que je rangeais dans la catégorie mentale des choses-graves-et-injustes-et-dérangeantes-auxquelles-je-prêterai-attention-quand-j’aurais-le-temps-mais-je-sais-que-je-ne-le-ferai-pas. Je n’en ai jamais beaucoup entendu parler et l’on pourrait peut-être aussi demander pourquoi à nos médias…
Heureusement, dans la communauté estudiantine internationale, on rencontre des tas de personnes trop cools et j’ai eu la chance de faire la connaissance d’un activiste qui, avec son association German Solidarity with Myanmar Democracy e.V. (vous pouvez y jeter un coup d'œil ici : https://www.solidarity-myanmar.de/ ), organise des évènements et mène des campagnes afin de conscientiser sur la situation, générer des ressources et apporter un soutien à l’aide humanitaire sur le terrain. J’ai assisté à la projection-débat du documentaire Padauk : Myanmar Spring (vous pouvez découvrir la bande-annonce ici : https://youtu.be/UUWsx5ANogY) et… ça m’a explosé à la figure.
Voici un bref résumé en grandes lignes de la situation : Myanmar (ou Burma) a connu de longues décennies d’instabilité politique jalonnée d’atrocités et de violations de droits humains. Celles-ci ont atteint leur apogée le 1 février de l’année passée, date du coup militaire où l’armée a pris le pouvoir, arrêtant et coupant de toute communication le gouvernement fraîchement élu. Les semaines qui ont suivies ont été rythmées par d'énormes protestations et de manifestations non-violentes en tout genre par la société civile. Le documentaire montre d'une façon émouvante et édifiante toute l’énormité et la créativité du mouvement arrivant à unir derrière un seul but commun des personnes de toutes classes sociales, économiques, ethniques etc. On y voit des danses, des chants, des slogans, des symboles, des fresques, des marches etc. en autant de couleurs que l’arc-en-ciel peut compter.
Hélas, la répression militaire et dictatoriale ne s’est pas faite attendre et rapidement la violence a escaladé. Actuellement, les arrestations se font en masse, la liste des morts et de disparus ne cesse de s’allonger, les soldats sèment la terreur dans les rues et souvent toute possibilité de communiquer avec le monde extérieur ou de reçevoir de l’aide humanitaire est bloquée. J’ai eu du mal à retenir mes larmes en écoutant les témoignages d’activistes ayant perdus leurs proches, en voyant les actes de courage et de bravoure de citoyens plus jeunes que moi redoublant de détermination pour prendre la rue et continuer à défendre leur cause et en contemplant les scènes atroces de violences, bombes, tirs de fusils et destructions formant le quotidien actuel de ce pays.
Au-delà du sentiment d’urgence, un énorme sentiment d’impuissance s’est emparé de moi mêlé à un désespoir béant. Autant de peine, autant de soucis, de causes, de pertes. Moi qui pensait me consacrer au réchauffement climatique, devrais-je à présent m’engager dans cette organisation de mon ami activiste? Sans oublier la cause des femmes du Sri Lanka, victimes de féminicides, sujet sur lequel j'ai assisté à un débat il y a peu. Par où commencer? Qu'est-ce que je fais là, assise à un banc d’université, grignotant des cookies, à pleurer sur des images projetées qui sont la réalités d’autres humains à l’autre bout de la terre?
J’ai ensuite été prise d’une réalisation que je pourrais qualifier de “soulageante” car elle m’a permis de voir clair à travers ce gros brouillard. Il suffit d’un pas de plus pour voir les liens entre toutes ces causes car c’est le même système qui produit les conditions géopolitiques menant à la crise de Myanmar, le même système qui soutient des valeurs patriarcales menant à des centaines de féminicides au Sri Lanka et le même système générant des émissions de CO2 effrénées conduisant notre planète à la catastrophe. S’attaquer à ce système, c’est s’attaquer à toutes ces luttes à la fois, en d’autres mots, prêter attention et main forte à Myanmar est nécessaire pour gérer la crise environnementale, tout comme régler cette dernière crise est nécessaire à soulager Myanmar.
Ce lien guerre-environnement m’est apparu encore plus clairement quand, durant la projection-débat l’on nous a expliqué que les pays avoisinant restaient dans une léthargie politique face à la situation vu leur dépendance des ressources naturelles et du gaz leur étant fournies par le régime dictatorial de Myanmar. On pourrait réfléchir plus loin en se disant que c’est un lien à double sens : là où, d’une part, la raréfaction et la compétition pour le contrôle des ressources naturelles peut créer des conflits (il y a pleins d’exemples), d’autre part l’impact des guerres sur l’environnement et le réchauffement climatique est immense.
Un autre lien entre des mouvements comme Myanmar et l’environnement que mon ami a souligné dans nos discussions ultérieures est celui des droits humains. Ceux-ci sont nécessaires pour créer les conditions dans lesquelles il devient possible d’imaginer et de créer un monde meilleur. Il m’a donné l’exemple choquant des techniques d'éducation officielles sous le régime dictatorial actuel : les enfants crient tout haut leurs leçons en classe afin que ce qu’ils apprennent peut être contrôlé à tout moment par les militaires patrouillant les rues constamment. Ces limitations énormes des libertés sont aussi montrées dans le documentaire quand les témoins expriment comment les médias d’état n’ont eu de cesse de diffuser la propagande anti-Rohyngia, annihilant toute possibilité de découvrir la vérité atroce, de la remettre en cause et de faire preuve d’esprit critique. Comment pouvoir remettre en question le système tel qu’il est aujourd’hui, comment partager, s’organiser, échanger si l’on n’est pas donné la possibilité de réfléchir, s’informer ou parler librement?
Il est finalement important de, contrairement à ce que je faisais avant, ne pas percevoir ces questions comme celles de l’ordre de l’oeuf et de la poule : il n’y a pas de choix à faire entre prioriser un environnement sain d’abord pour ensuite garantir les droits humains ou bien considérer que des droits humains sont la précondition nécessaire pour créer un environnement sain. Nous pouvons plutôt considérer les deux comme participant à un grand système, un grand monde nouveau que nous prônons tous, aux rangs des activistes du monde entiers prenant les rues au Myanmar, se battant contre les féminicides au Sri Lanka, ou pour l’environnement et le climat dans les ZAD’s, en Amazonie ou au sein d’autres organisations et institutions.
Et vient ici le dernier point avec lequel nous voulions conclure, celui qui m’a insufflé de la combativité et m’a inspiré (et n’est-ce pas pour cela que nous partageons et avons besoin de ces histoires? Objectif atteint! ) : si toutes ces luttes s’allient, s’articulent en critiquant et en combattant le même système global, le même corps de valeurs, normes et dynamiques créant toutes ces injustices et ces désastres, et qu’il y a tout un nouveau monde à défendre et promouvoir, il n’y a pas de temps à perdre. Il faut s’attaquer au système de tous les côtés, le grignoter dans tous ces aspects, partout et incessamment jusqu’à ce qu’il tombe. Il faut prôner nos valeurs, nos espoirs, nos revendications, nos visions du mondes de résistants et continuer à les crier, les rêver, les chanter, les partager, les peindre sur les murs, les répandre et les mettre en œuvre. Nous avons tous besoin de tout le monde, chacun est important et chacun a un rôle à jouer. Mon ami me disait que ce sont ses voyages au Myanmar et ses expériences là-bas qui l’ont amené à s’engager dans cette lutte, mais il y en a tant d'autres. Nous sommes, individuellement, trop petits et limités en énergie et temps pour s’attaquer à toutes, mais ensemble, si nous nous y mettons tous, d’une façon ou d’une autre, petite ou grande, nous pouvons faire la différence. Il s’agit juste de commencer et d’y croire, de tourner ce désespoir en courage (cœur-ageux, remember le lexique? Voyez le blogpost #4). Le Myanmar est actuellement toujours en feu et bien qu'il y ait eu quelques développements au sein de la communauté internationale, comme l'affaire Gambie contre Myanmar de la Cour internationale de justice, la situation est plus urgente et grave que jamais. Si vous souhaitez vous engager dans cette cause et montrer votre soutien d'une manière ou d'une autre, vous pouvez consulter le site Web susmentionné de German Solidarity with Myanmar e.V..
Je terminerai ce post par le poème utilisé également dans le documentaire, du poète Maung Chaw Nwe, faisant subtilement référence aux fleurs Padauk (titre du documentaire), symbole national du Myanmar. L’on dit qu’une fois que les premiers boutons jaunes éclosent, il suffit d’une seule nuit pour que, au matin, l’arbre entier se soit transformé et brille d’éclat doré.
To Wilt is to Bloom - Maung Chaw Nwe
For flowers,
To wilt is to bloom.
If you pluck one
One more rises.
If you drop two
Two more spring up.
Come! Knock us down,
Wild gust; tumble us,
Cut us down, storming blades,
Blow your hardest, do your worst.
Litter the ground with our buds,
Trample on us, see if we care.
To wilt is to bloom,
That's the flowers' doctrine.
You may crush us, we may fall,
But when we die we rise again.
(traduit par Kenneth Wong)
Bon dimanche 🫶🫶<3 🫶🫶
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